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Portrait de grands-parents (1/52)


J'ai rencontré la petite-fille de Georges lors d'un évènement entre entrepreneurs que j'organise à Lyon. En lui racontant mon métier, j'ai vu la petite étincelle briller dans ses yeux. Elle m'a parlé de son grand-père, des petites bribes de son histoire qu'il raconte à de rares occasions, de son amour inconditionnel pour lui. 

Deux mois plus tard nous partions ensemble à la rencontre de Georges pour remonter le fil de son histoire.  


Georges a le regard direct de ceux qui observent les gens avant de leur accorder sa confiance.   

 

Il m'accueille à l'entrée de sa maison, la poignée de main est franche, ses yeux bleus plongent dans les miens me disant "il va d'abord falloir que tu fasses tes preuves, on verra la suite." 

 

Nous commençons à discuter de chose et d'autre et le masque tombe rapidement. Il a préparé ma venue en écrivant sur des dizaines de pages tous les évènements qu'il veut me raconter. Il commence par la guerre de 39-45, sa région ayant été envahie par les troupes italiennes et allemandes, libérée par le régiment des tirailleurs marocains avant d'être à nouveau envahie par les Allemands.   

 

Il y a la folie des hommes résumée en quelques heures. Les 80 maisons de son hameau qui partent en fumée après une ultime attaque allemande. La traque des soldats dans la forêt où les familles ont trouvé refuge après le massacre. La peur de retourner vivre chez soi et de se faire tuer dans son sommeil. L'installation dans l'écurie pour se sentir plus en sécurité. Les femmes tondues à la fin de la guerre pour "entente supposée avec l'ennemi".  

Il finit la gorge serrée, les mots ne passent plus. Nous faisons une pause. 

 

De la folie nait la lumière. Il y a aussi la solidarité qui nait entre les habitants qui reconstruisent tous ensemble le village dévasté. Les premières chaussures sans clou qu'il reçoit des mains d'un soldat marocain, chaussures qu'il a dérobées à son général. Il y a les animaux dont il prend soin pour les villageois qui se cachent dans la forêt. Les après-midi à lire Surcouf avec ses frères et sœurs pendant qu'ils emmènent paître les chèvres. 

Un sourire pointe sur son visage. C'est vrai, il y a eu tout ça aussi. 

 

Trois jours plus tard, nous repartons. Georges ne pensait pas avoir tant de choses à me raconter. Moi je n'en ai jamais douté, car s'il y a une chose dont je suis convaincue depuis un an c'est que chaque vie mérite d'être racontée. 



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